L’éducation libérée : Technologie, autodétermination et agence humaine collective avec Maria Crabtree
Maria Crabtree est chercheuse en perspective d’avenir et en prospective. Le 15 novembre, elle prononcera un discours d’ouverture au Séminaire et vitrine sur l’apprentissage assisté par la technologie (SVAT) 2022. Maria s’est entretenue avec eCampusOntario pour parler de son parcours en tant que chercheuse en prospective et explorer comment les éducateurs peuvent placer l’émancipation au cœur de l’éducation et de la technologie.
À propos de KnowledgeWorks
KnowledgeWorks explore l’avenir de l’apprentissage afin d’aider les chefs de file de l’éducation et les innovateurs de ce domaine à mieux se préparer à ce qui les attend. Par le biais de la prospective stratégique, KnowledgeWorks approfondit les questions essentielles en matière d’éducation afin de traduire les idées de demain en actions d’aujourd’hui. Cette équipe travaille aux côtés de décideurs politiques, d’éducateurs, de chefs d’entreprise et d’intervenants de la communauté pour créer des politiques qui favorisent la transformation de leur système éducatif.
En tant que directrice de projets en prospective stratégique, Mme Crabtree contribue de manière considérable au leadership national de KnowledgeWorks en ce qui concerne l’avenir de l’apprentissage et mène des activités essentielles en prospective stratégique.
eCampusOntario : Pouvez-vous nous parler un peu de ce qui vous a poussée à suivre la voie de la prospective et de la recherche?
Maria Crabtree : En grandissant, je me suis toujours demandé : « Si je me présentais aux élections présidentielles, quelle serait ma plateforme? » Disons, qu’est-ce qui fait la plus grande différence? Et je croyais que l’éducation était l’un de ces piliers essentiels de la société. L’expérience que [l’éducation] offre aux jeunes pour leur permettre de se développer socialement. Cela me semblait être un excellent investissement en matière d’efforts à fournir pour améliorer l’éducation de chaque étudiant.
Quand j’étais étudiante, je me suis d’abord orientée vers la sociologie, puis j’ai poursuivi mon enseignement supérieur au Venezuela. Ce fut une expérience passionnante. J’ai étudié l’aspect communication des choses, et c’est ainsi que j’ai fait le saut dans la prospective.
Le professeur a pris le temps de nous dire : « Vous savez, vous pouvez vraiment gagner votre vie dans ce domaine. Vous pouvez [travailler en] études culturelles, enquêter sur les signaux, déchiffrer ce qui arrive », et, dans ce sens [pour moi] la prospective était une sorte de recherche sur les tendances.
C’est ce qui m’a poussée à m’intéresser à la prospective et aux études d’avenir.
Que peuvent apporter les participants au SVAT 2022 à leur propre enseignement et à leur pratique grâce à votre conférence sur les apprenants libérés?
J’aimerais que les gens se familiarisent davantage avec le concept de l’éducation libre. Qu’est-ce que l’éducation libre? C’est comme un cours d’introduction 101. Il faut que davantage de personnes connaissent ce concept pour qu’elles puissent, espérons-le, le mettre en pratique [dans leurs programmes éducatifs]. Les participants peuvent comprendre comment l’intégrer dans leurs propres processus et dans leur façon d’enseigner et d’apprendre.
Ensuite, je pense qu’il est important pour les gens, lorsqu’ils réfléchissent à la conférence, de se demander « À qui appartient cet avenir? »
Vous avez mentionné dans votre résumé comment les décisions que nous prenons aujourd’hui ont un impact sur nos perspectives d’avenir collectives et celles des générations à venir. Y a-t-il eu un moment de « révélation » où vous avez pris conscience de cette réalité?
Horizons de politiques Canada avait créé un rapport basé sur la recherche prospective et souhaitait que les gens puissent se projeter dans l’avenir pour voir les technologies et les événements économiques potentiels à venir. Ils ne voulaient pas qu’il s’agisse d’un livre blanc classique, mais plutôt d’un document avec lequel les gens pourraient interagir. Alors, ils ont créé [PW1] [JN2] un jeu de société amusant appelé Impact : un jeu de prospective.
Des années plus tard, j’ai rapporté ce jeu à KnowledgeWorks[JN3] et leur ai posé la question suivante : « Et si nous en créions un pour l’éducation? » C’est ainsi que nous avons créé Impact: Learning Edition (ou « Impact : édition Apprentissage »). C’est un moyen merveilleux pour les gens de réfléchir aux possibilités.Dans ce jeu, il était si simple de réaliser cette idée de l’avenir collectif.
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Au centre du jeu de société, il y a dix domaines que nous partageons et influençons tous. Nous pouvons voir comment nos décisions influencent les différents domaines de nos perspectives d’avenir personnelles. À la fin du jeu de société, nous voyons le résultat de nos décisions individuelles sur notre avenir collectif. J’ai adoré la façon dont le jeu a illustré ce point, et il m’a permis de constater plus facilement [mon impact sur l’avenir], et aux autres joueurs d’en faire autant.
Note des rédacteurs : Dans Impact: Learning Edition, chaque monde de jeu comprend des domaines (environnements sociaux) qui ont des répercussions sur l’apprentissage. Ceux-ci incluent la vie civique, le climat et l’environnement, la communauté et la culture, et plus encore.
Les joueurs poursuivent leurs perspectives d’avenir préférées en plaçant des cubes d’influence sur des cartes de domaine. Les cartes d’impact et de perturbation influencent le nombre de cubes sur des domaines précis, freinant ou accélérant le changement.
Impact: Learning Edition suscite des conversations et des réflexions perspicaces sur l’évolution de l’éducation. Il aidera les joueurs à comprendre comment les décisions qu’ils prennent aujourd’hui peuvent façonner l’avenir – pas seulement pour une personne, mais pour tout le monde.
Chaque fois qu’eCampusOntario ou un établissement postsecondaire choisit une technologie pour atteindre un objectif éducatif, existe-t-il un moyen de déterminer si cette technologie sera un outil d’émancipation?
Lorsque nous [KnowledgeWorks] avons travaillé à imaginer des perspectives d’avenir en éducation libre, l’une de nos idées était que, oui, les technologies peuvent être canalisées pour l’émancipation; ce sont de merveilleux vaisseaux que nous pouvons remplir d’émancipation. Alors, faisons-le. Le défi est qu’elles doivent être conçues pour l’émancipation dès le départ.
C’est pourquoi nous devons commencer à poser les questions aujourd’hui. Ainsi, nous pouvons concevoir ces technologies [pour qu’elles soient libres] dès maintenant, au lieu d’utiliser des technologies sous-développées sans prospective et d’essayer ensuite de les rendre progressivement plus libres au fil du temps. Il y a des différences fondamentales au cœur de l’éducation d’aujourd’hui qui ne correspondent pas tout à fait à ce que pourrait être l’éducation libre sous sa forme idéale, si c’est ce à quoi nous aspirons.
Il faut se demander « Quelles valeurs sous-tendent cette plateforme? ». La plateforme permet-elle à votre public de s’approprier ses propres données et de les rendre accessibles? Par ailleurs, représente-t-elle vraiment les personnes que [la technologie] devrait servir?
Visionnez le discours-programme du Maria Crabtree sur SVAT 2022 sur la chaîne YouTube d’eCampusOntario.
Maria Crabtree est chercheuse en perspective d’avenir et en prospective. Elle a œuvré dans une série d’initiatives de prospective, notamment dans un projet pour le centre de recherche Langley de la NASA, sur l’avenir de l’économie circulaire de Kimberly Clark et sur l’avenir de la recherche sur le cancer de l’Institut ontarien de recherche sur le cancer.
Mme Crabtree est coauteure et coéditrice des livres Beyond Genuine Stupidity et The Future Reinvented, et elle contribue au prochain ouvrage Unleashing Human Potential-The Future of AI in Business. Elle est membre de l’Association of Professional Futurists et du Project Management Institute et est lauréate du prix Emerald Literati 2020.